Oui et non. Cela implique de comprendre ce que vous entendez par privatiser.
Littéralement, cela revient à créer un lot de copropriété pour chaque place et le vendre à des copropriétaires. Vous vous voyez découper un local vélo de 12 m² en 15 lots et de vous assurer que chacun respecte sa place ?
S’il s’agit de continuer à considérer ce local comme une partie commune mais attribuer des places à certains copropriétaires dans l’absolue la loi permet d’aller dans ce sens. En effet, loi LOM permet à un groupe restreint de copropriétaires de financer un parking vélo, la condition sous-jacente étant que seuls ces copropriétaires aient accès au local. Cela pose énormément de problème de gestion par la suite, aussi je vous déconseille fortement d’utiliser ce dispositif. Voici un article sur le sujet.
Au-delà des problèmes de squat, de répartition des charges, etc. cette restriction d’accès aux seuls investisseurs soulève des questions sur l'équité et la gestion de cet espace commun.
L'attribution individuelle des places peut entraîner une série de problèmes complexes.
Au paragraphe précédent, j’évoquais le cas où le nombre de places n’étaient pas suffisant au regard la demande. En quel cas il faudrait choisir qui aura accès au local or déterminer les critères pour l'attribution des places est insurmontable.
La simple idée de considérer l'ancienneté dans la copropriété, le nombre de tantièmes, la régularité de la pratique du vélo à un instant t ou la contribution financière à l'aménagement du local suscite des contestations et des ressentiments parmi les membres de la communauté. Certains pourraient arguer que l'ancienneté ou la pratique du vélo à une période donnée ne garantit pas l'utilisation régulière d'un vélo, tandis que d'autres pourraient affirmer que la contribution financière ne devrait pas être le seul critère de sélection, puisque certains résidents pourraient ne pas avoir les moyens de contribuer mais utilisent leur vélo quotidiennement.
Le but premier d'un local à vélo est de sécuriser les vélos régulièrement utilisés. Malheureusement, l'attribution individuelle des places ne garantit pas que seuls les utilisateurs réguliers bénéficieront de l'espace. Quand bien même l’attribution des places se fait en fonction de la régularité de la pratique, comment garantir que ce fonctionnement d’apparence juste le sera toujours dans 6 mois, 1 an ? Après tout, un résident régulier peut changer de travail et s’y rendre en transports en commun, abandonnant son vélo dans le local. Vos locaux vélos deviendraient ainsi des zones de stockages de vélos abandonnés stationnés sur des places attribuées difficilement contestables créant ainsi des conflits avec d’autres résidents cyclistes réguliers, obligés de garer leur vélo dehors ou chez eux.
Il faudrait donc revoir les attributions régulièrement afin de toujours garantir que les utilisateurs réguliers disposent d’une place. Cela revient à ne pas attribuer de places mais juste décider d’un réglement intérieur qui stipule que seuls les vélos utilisés régulièrement et bien entretenus ont leur place dans le local. Voir mon article : “À quoi sert le règlement intérieur des espaces vélos en copropriété ?” Afin de retirer les vélos abandonnés dans le local et libérer leur place, je vous encourage à faire une campagne annuelle de marquage des vélos et de retirer ceux qui trois mois plus tard portent toujours l’autocollant ou l’étiquette que vous leur avez attribué.
L'attribution individuelle des places de stationnement vélo en copropriété peut également soulever des questions quant à son adéquation avec les valeurs fondamentales de la pratique du vélo. En effet, la bicyclette est souvent associée à des principes de partage, de communauté et d'égalité d'accès à l'espace public. En favorisant la privatisation ou la restriction d'accès à des espaces destinés à un mode de transport durable et écologique, nous risquons de compromettre ces valeurs essentielles. La pratique du vélo devrait être encouragée dans un esprit de collaboration et de solidarité, plutôt que de favoriser des pratiques qui pourraient conduire à l'exclusion ou à la discrimination au sein de la communauté des cyclistes. Par conséquent, il est important de rechercher des solutions qui préservent ces valeurs tout en répondant aux besoins pratiques des cyclistes en copropriété. Par exemple dans une copropriété que j’ai accompagnée, un vélo en bon état mais abandonné par son propriétaire est mis à disposition de toute la résidence en libre accès.
En conclusion, l'attribution individuelle des places dans un local à vélo en copropriété est une mauvaise idée. Il est crucial de reconnaître les implications potentiellement problématiques de cette approche et de rechercher des alternatives qui favorisent une utilisation équitable et efficace de l'espace commun.
En tant qu'actrice engagée dans la promotion de modes de déplacement durables, mon objectif est d'aider les copropriétaires à créer un maximum de places de stationnement vélo tout en mettant en place des pratiques qui favorisent la cohésion et le bon fonctionnement de la communauté.
Plutôt que de privilégier une approche d'attribution individuelle des places, je préconise une réflexion sur la mise en place de règles et de réglementations internes qui encouragent l'utilisation régulière et responsable du local à vélo. En favorisant l'accès aux cyclistes réguliers tout en évitant les inconvénients liés à la privatisation des espaces communs, nous pouvons créer un environnement propice à la pratique du vélo en copropriété.